Quand l'art contemporain s'inspire de World of Warcraft – et de ses bugs emblématiques
En 2005, « l'incident du sang vicié » dans World of Warcraft avait suscité certains échos. Une quinzaine d'années plus tard, l'artiste contemporain Harris Rosenblum s'en saisit et s'en inspire pour les pièces de sa série Relic of the Corrupted Blood.
Le jeu vidéo est aujourd’hui un loisir universel ou presque, et les comportements des joueurs en ligne relèvent parfois du sujet de société. On comprend dès lors que l’art contemporain puisse se saisir de ces sujets et que les artistes s’en inspirent. C’est ainsi que le jeune artiste américain Harris Rosenblum a imaginé les différentes pièces de sa collection Relic of the Corrupted Blood à partir de « l'incident du sang vicié » de World of Warcraft.
Pour mémoire, en 2005, le raid de Zul'Gurub confrontait les joueurs au boss Hakkar l'Écorcheur d'Âmes, susceptible d’infliger le débuff « sang vicié » aux personnages à proximité. Le débuff avait la particularité de se transmettre d’un personnage à l’autre, comme un virus. L’effet devait être limité à la zone de l’instance, mais du fait d’un bug, les animaux de compagnie des joueurs ont propagé le « virus » hors de la zone de raid de Zul'Gurub et le débuff s’est propagé dans tout Azeroth, pour contaminer des personnages vétérans (des porteurs sains capables d’encaisser les effets de « sang vicié ») mais tuant instantanément ou presque les personnages de bas niveau. Le phénomène reste dans les mémoires comme étant la première pandémie incontrôlée à s’être répandue dans un univers virtuel – il aura fallu une semaine à Blizzard pour déployer un patch et « vacciner » les personnages du MMORPG.
« L'incident du sang vicié » a fait l’objet d’études par des épidémiologistes et le phénomène a de nouveau fait l’actualité ces dernières années pendant la pandémie de Covid-19, jusqu’à parvenir à l’artiste Harris Rosenblum – qui n’est pas joueur, mais se dit fasciné par les structures sociales qui se développent en ligne et notamment par le comportement des griefers qui colportaient sciemment le débuff « sang vicié » en Azeroth pour contaminer d’autres personnages. C’est ce qu’il indique dans les colonnes de Polygon.
Le phénomène l’a donc inspiré et la pièce maîtresse de sa série Relic of the Corrupted Blood (exposée en fin d’année dernière dans la galerie new-yorkaise Blade Study) prend la forme d’un coffre d’inspiration gothique, rappelant un amas d’os et de chairs en décomposition – réalisé en utilisant diverses techniques (notamment utilisées par les cosplayers pour réaliser leur costume), depuis l’impression 3D jusqu’au moulage de résines, la sculpture de matière synthétique ou l’utilisation de latex liquide. Le coffre renferme par ailleurs deux petites cellules abritant chacune une carte SD : l’une contenant le patch ayant permis la propagation du « sang vicié » dans le MMORPG, l’autre le patch correctif ayant soigné les habitants d’Azeroth. Un même coffre abritant à la fois la source d’une malédiction et de quoi la conjurer, dans une espèce de « boîte de Schrödinger » méphitique.
Harris Rosenblum prépare actuellement sa prochaine exposition, Inorganic Demons, qui doit ouvrir ses portes aujourd’hui dans la galerie Sara à New York. Cette fois, l'artiste s'est inspiré de Cyclonopedia, du philosophe iranien Reza Negarestani.
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