C'est parti pour Legion, zoom sur l'extension
Le lancement d'une extension de World of Warcraft est toujours un événement et Legion ne fait pas exception. Car si l'extension s'inscrit dans la droite ligne de la trame narrative de l'univers, elle fait significativement évoluer certains des concepts du MMORPG de Blizzard.
Fort de ses millions d'abonnés malgré douze ans d'exploitation, World of Warcraft fait forcément figure de phénomène de l'industrie du MMO, au moins en Occident, et quand le MMORPG de Blizzard s'enrichit d'une nouvelle extension, c'est forcément un événement -- au moins ludique et commercial. Et peut-être d'autant plus dans le cadre de Légion.
L'extension intègre les classiques qu'on peut en attendre : un niveau maximum rehaussé pour poursuivre la progression de son personnage (jusqu'au niveau 110), des zones inédites à explorer pour continuer d'étendre l'univers de jeu (dans les Îles Brisées), une nouvelle classe de héros jouable pour renouveler certaines mécaniques de gameplay (le chasseur de démons) ou encore une trame narrative qui poursuit l'histoire globale de l'univers Warcraft. Mais Legion ne se borne pas là dans la mesure où certains des contenus et fonctionnalités de cette sixième extension de World of Warcraft entendent à la fois renouer avec les origines de la licence et les canons du jeu massivement multijoueur mais aussi parfois faire évoluer significativement le gameplay du MMORPG de Blizzard.
Le retour de la Legion, l'ennemi séculaire
Du haut de ses 22 ans, la licence Warcraft a considérablement évolué au fil des années et sur un plan narratif, l'extension Legion conduit le joueur à affronter de nouveau la légion ardente et à tenter de repousser sa croisade contre le monde d'Azeroth.
On le sait, l'histoire de la Légion débute avec le titan déchu Sargeras, corrompu par les énergies démoniaques et qui entend purifier l'univers par le feu au travers de sa Croisade ardente. Ses armées de démons ont ainsi détruit de très nombreux mondes et visent maintenant Azeroth de toute sa puissance brute, mais la véritable force de la Légion (emmenée notamment par le démon Kil'Jaeden le Trompeur, l'un des principaux lieutenants de Sargeras) tient sans doute à sa capacité à attirer de nouvelles recrues grâce à la tentation et la corruption.
Une thématique que Blizzard affectionne manifestement tout particulièrement, notamment parce qu'elle a le mérite de ne pas simplement opposer la Horde à l'Alliance, préférant confronter les deux factions du MMO à un ennemi commun. Une thématique que le studio s'attache surtout de longue date à développer dans son univers, que ce soit dans le MMORPG mais aussi récemment dans le film Warcraft : Le Commencement -- opportunément sorti quelques semaines avant l'extension et dont la trame narrative, posant les bases de la confrontation entre les peuples d'Azeroth et les Orcs de Draenor corrompus par l'influence du fel de la Légion Ardente, s'avère une introduction efficace à l'extension.
Si elle apparait sous des formes diverses, ce thème de la soif de pouvoir au risque de se laisser submerger par la corruption démoniaque est ainsi au coeur de la licence, du film comme du MMO. Dans les deux opus, la Légion déferle sur Azeroth avec ses armées, mais tente aussi de séduire ou de corrompre tantôt les personnages emblématiques de la licence, tantôt le joueur. En vrac, on pense par exemple à l'Orc Gul'dan qui assouvit sciemment sa soif de puissance et de vengeance en se mettant au service de la Légion (sincèrement ou non ?) quitte à corrompre la quasi-totalité de son peuple à l'aide du fel (l'influence du fel chez les Orcs est au coeur du film et se retrouve dans l'extension) ; chez le mage Medivh qui a juré de protéger Azeroth, la lutte intérieure du Gardien raconté dans le film résulte d'une possession par Sargeras, mais malgré sa lutte contre la tentation, le mage finira par céder et ouvrir la Porte des Ténèbres permettant aux Orcs de Draenor corrompus par la Légion de fondre sur Azeroth et son récit se poursuit dans l'extension au travers de celle de son apprenti, Khadgar ; on retrouve encore cette même thématique mais de nouveau traitée sous un angle différent dans l'histoire d'Illidan Hurlorage, qui a décuplé sa puissance grâce à l'énergie démoniaque de Sargeras mais pour ensuite la retourner contre la Légion et dont les Illidari (puissants, jusqu'à parfois en perdre la raison) inspirent la classe de héros de l'extension, le Chasseur de démon.
Une thématique récurrente, donc, qui sert de longue date de fil conducteur à la trame de l'univers Warcraft et est de nouveau développé dans l'extension -- à commencer par les animations de son pré-patch qui confrontent les joueurs à l'invasion démoniaque mais aussi à sa corruption (les joueurs peuvent céder à la tentation).
Un univers moins linéaire
Si la trame narrative de Legion s'inscrit dans la droite ligne des canons de la licence, l'extension fait aussi évoluer les mécaniques de World of Warcraft pour renouer avec ce qui définit un MMORPG : un monde davantage ouvert.
On le sait, à bien des égards, World of Warcraft a posé les bases du MMO theme park, notamment en imaginant un gameplay relativement linéaire (notamment via son système de quêtes guidant le joueur méthodiquement d'une contrée à l'autre en faisant toujours en sorte qu'il ait quelque-chose à faire et toujours dans une zone de son niveau). La mécanique est très efficace pour fidéliser le joueur et éviter toutes formes de frustration, mais qui souffre néanmoins d'un manque de liberté (c'est dommage dans un univers de MMO) et peut limiter les interactions (les joueurs sont davantage enclins à évoluer parallèlement que réellement ensemble).
Legion fait évoluer cette approche dans les Îles Brisées, les nouvelles zones de l'extension : non seulement elles prennent la forme de zones ouvertes, mais le niveau du lieu s'adapte dorénavant à celui du personnage (le joueur n'a donc plus à suivre un chemin défini et dicté par son niveau) et le nouveau système de quêtes encourage l'exploration.
Les quêtes journalières (là encore, un procédé très efficace mais aussi très répétitif et contraignant) laissent place maintenant à des « quêtes mondiales », qui apparaissent aléatoirement dans l'univers de jeu, pour proposer des missions plus variées (de récolte ou d'artisanat, PvE ou PvP, impliquant de traquer un boss ou d'explorer un donjon), ayant toutes un niveau de rareté spécifique ou pouvant nécessiter d'agit en groupe et qu'on peut parfois réaliser en plusieurs jours (et non plus quotidiennement).
En outre, Blizzard précise que des « secrets » ont été cachés dans les nouvelles zones de l'extension Legion, que les joueurs pourraient découvrir au gré de leur exploration. Peu de détails sont communiqués par le développeur, si ce n'est que le studio met les joueurs au défi de les découvrir -- estimant que certains pourraient « résister pendant des mois » avant que les joueurs ne les trouvent tant ils sont bien cachés.
Autant d'éléments qui respectent le souci d'efficacité de Blizzard, mais qui devraient aussi susciter un meilleur sentiment de liberté, d'exploration et de découverte, un peu oublié dans les précédentes extensions.
Des armes prodigieuses
Une philosophie similaire est appliquée dans la nouvelle approche de l'équipement de l'extension. En lieu et place des objets à collectionner et qui obligent souvent à faire et refaire des donjons dans l'espoir de tomber sur la bonne pièce d'équipement pour sa classe et son style de jeu (au risque de susciter une certaine frustration chez le jouer impatient), le développeur imagine un mécanisme « d'armes prodigieuses » pour chaque classe.
On en connait le fonctionnement : dès les premiers pas dans les Îles Brisées, via une quête, le joueur pourra recevoir une arme prodigieuse spécifique à sa classe et sa spécialisation (inspirée des objets légendaires de l'univers) et la conservera tout au long de sa progression. Cette arme sera ensuite améliorée et personnalisée, au gré d'un système de progression parallèle à celui du personnage. L'arme a un arbre de capacités qui lui est propre, à débloquer progressivement grâce à des pouvoirs gagnés en jeu, auxquelles s'ajoutent des reliques (débloquant des traits supplémentaires sur l'arme) ou encore la possibilité de personnaliser l'apparence de son arme.
On le comprend, les armes prodigieuses ajoutent un système de progression parallèle, en plus de celui du personnage (et Blizzard estime qu'il faudra « des mois » pour maximiser les effets de son arme, pour une voire plusieurs spécialisations), qui pourrait encourager la fidélisation des joueurs... par une forme de farm mais le mécanisme a néanmoins l'intérêt d'encourager les joueurs à continuer d'explorer les nouvelles contrées de Legion, pour y collecter les pouvoirs prodigieux nécessaires à son arme, même lorsque le personnage a atteint son niveau maximum (souvent très rapidement).
Les armes prodigieuses sont par ailleurs l'occasion d'alimenter de nouveaux « Domaines de classes » (des antres spécifiques à chaque classe). Si les fiefs de Warlords of Draenor permettaient déjà aux joueurs d'avoir leur propre espace... ils les coupaient aussi des autres. Changement d'approche pour les Domaines de classe qui sont aussi un lieu dévolu aux activités des joueurs (on peut y améliorer son arme prodigieuse, accéder à des quêtes, coordonner les assauts contre la légion) mais visent surtout à les réunir dans un même lieu et pourraient donc contribuer à (re)mettre les joueurs en contact -- jusqu'à retrouver le foisonnement des capitales aux premières heures du MMO ?
Et le end game ? Un mode « Mythique+ »
On le constate, le contenu de Legion doit évidemment étoffer le contenu de World of Warcraft, et donc aussi étendre sa durée de vie. En la matière, le end-game est évidemment déterminant et là encore, l'extension fait évoluer les mécanismes à l'oeuvre jusqu'ici dans le MMORPG de Blizzard.
Plus concrètement, on retient notamment que les donjons pourront évoluer plus ou moins au gré des progrès du jouer afin de toujours opposer des défis à sa hauteur. Pour augmenter encore la difficulté des donjons en mode « Mythique », les joueurs les plus chevronnés pourront trouver des clefs (sur les dépouilles des bosses des donjons Mythiques) à insérer dans un piédestal à l'entrée du donjon pour activer un mode « Mythique+ » (qui rappelle les failles de Diablo) : les dégâts infligés par les ennemis, leurs points de vie, voire certaines de leurs attaques seront décuplés et le donjon devra être nettoyé en temps limité, mais les récompenses sont évidemment à l'avenant. Si ces épreuves sont surmontées dans les temps, la clef gagne en niveau et plus ce niveau est élevé, plus la difficulté activée l'est aussi dans le donjon - et aux niveaux 3, 7 et 10, les clefs débloquent en outre de nouvelles capacités sur les monstres, obligeant à revoir ses stratégies. Là encore, le processus doit prolonger la durée du MMO et occuper durablement les joueurs.
Car c'est là l'un des principaux enjeux de Legion pour Blizzard. On le sait, les joueurs de World of Warcraft sont enclins à se réabonner à la sortie d'une extension, en consommer le contenu très vite et se désabonner en attendant la prochaine mise à jour d'envergure. Le contenu de Legion doit donc fidéliser les joueurs plus durablement et Blizzard s'appuie d'ores et déjà sur un plannning d'activation du contenu de l'extension (comme pour signifier aux joueurs qu'il n'est pas nécessaire d'interrompre son abonnement quelques jours avant un nouveau lancement).
On note ainsi que l'extension est donc déployée ce mardi 30 août, avec ses donjons accessibles en mode Normal et Héroïque, puis le mode Mythique selon le temps réinitialisation hebdomadaire des donjons. Le premier raid de Legion, le Cauchemar d'Émeraude, sera ensuite déployé le 21 septembre, d'abord en mode Normal et Héroïque, puis le mode Mythique le 28 septembre et sa difficulté augmentera progressivement grâce aux clefs mythiques. Les trois ailes du raid seront disponibles progressivement dans l'outil de recherche de raid, le 28 septembre pour la première, le 12 octobre pour le deuxième et le 26 octobre pour la troisième. Et on attend ensuite le Palais Sacrenuit (on imagine que le planning sera dévoilé en temps et en heure).
Mais dans le cadre de la gamescom 2016, Blizzard dévoilait aussi un planning de mises à jour additionnelles, ayant là encore pour objectif d'occuper (de fidéliser) les joueurs, grâce à un flux de contenu plus régulier. Durant le salon allemand, le développeur évoquait ainsi déjà la mise à jour 7.1 de Legion, le Return to Karazhan (aux portes de la tour du mage Medivh, on en revient toujours aux lieux et personnages emblématiques de licence), devant être déployée rapidement après la sortie de Legion sur les serveurs de tests, puis quelques semaines plus tard sur les serveurs live. Et de préciser derechef que les patchs s'enchaineront tous les quelques mois, à un rythme régulier afin que les joueurs aient toujours de quoi s'occuper.
On jugera évidemment sur pièce de la capacité de Blizzard à tenir ses délais et atteindre ses ambitions (la promesse n'est pas nouvelle et n'a pas toujours été tenue), mais à l'heure où les joueurs de MMO sont de plus en plus volages, on comprend l'enjeu que représente de Legion : faire vivre World of Warcraft jusqu'à la prochaine extension, après déjà douze ans d'exploitation.
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